dimanche 24 mai 2015

Une année de césure au Maroc


Medersa « Bou Inania » 
du XIVème siècle à Meknès
Cette année de césure a débuté lorsque j’ai décollé de Strasbourg le 8 septembre dernier. Je m’envolais pour un pays dont je ne connaissais ni la culture, ni la religion. Ce fut effectivement un dépaysement total lorsque je suis arrivé à Meknès, l’une des 4 villes impériales du Maroc. C’est en plein cœur de la Médina (la vieille ville) que se trouvent le centre culturel saint Antoine et la communauté franciscaine avec qui je vis. Je prends le temps de connaître les 3 frères qui m’accueillent : Joël, Natale et Stéphane. Ils vivent très simplement dans l’idéal franciscain et se font proche de ceux qui vivent aux alentours. Les chrétiens sont minoritaires au Maroc et cela se ressent même à Meknès. Pour autant, quelle ne fût pas ma surprise en assistant pour la première fois à la messe dominicale dans la paroisse de la ville nouvelle. L’assemblée était bien fournie avec beaucoup de jeunes subsahariens venus au Maroc pour poursuivre leurs études supérieures. Et cette réalité se retrouve dans toutes les grandes villes du royaume. Cela donne un véritable dynamisme dans les différentes paroisses et c’est une vraie grâce de Dieu.




Point de vue d'Ito à 50 km de Meknès

En arrivant au Maroc, il m’a fallu plusieurs mois pour bien me rendre compte et comprendre ce qui fait ce pays. Outre la différence culturelle et religieuse j’ai appris à connaître l’histoire et la particularité de l’Eglise au Maroc. Lors d’une session pour les « nouveaux arrivés » Mgr Landel, l’archevêque de Rabat, nous a retracé l’histoire de l’Eglise dans ce pays depuis le Protectorat jusqu’à nos jours. Le Maroc compte actuellement 36 millions d’habitants parmi lesquels on dénombre environ 30000 chrétiens de 100 nationalités différentes. Le grand défi est celui de la communion. Mgr Landel en poursuivant sur les « périphéries », chères au Pape François, a rappelé combien la présence islamo-chrétienne doit pouvoir se vivre dans le respect mutuel et le dialogue. Il y a aussi une grande présence de migrants qui sont de plus en plus nombreux au Maroc. C’est un problème immense dont on entend parler dans les médias car malheureusement beaucoup d’entre-eux meurent en pleine mer dans des embarcations de fortune. A Meknès j’en ai vu arriver de plus en plus au fil des mois. J’ai pu en rencontrer plusieurs car certains sont aussi paroissiens chez nous.
Les inscriptions à la rentrée en septembre
Au mois de septembre j’ai participé à la préparation de la rentrée 2014-2015. J’ai pu rencontrer lors de la réunion préparatoire l’ensemble des professeurs du centre. Ils sont tous marocains et donnent de leur temps gratuitement. Il y a une vraie dynamique et une bonne entente entre eux. Le même mois il y a eu les inscriptions des élèves au centre. Durant une semaine plus de 1500 personnes sont venues s’inscrire soit pour un cours de langues, d’informatique ou de sciences. C’est à la mi-octobre que j’ai commencé mes quatre cours de français hebdomadaire. Il y a dans mes classes un mélange générationnel qu’on n’aurait pas dans un lycée par exemple. Le rapport aux élèves est aussi différent. Je prends le temps de discuter avec eux à la fin d’un cours ou alors j’en retrouve certains à la bibliothèque voisine où j’assure plusieurs fois par semaine la permanence.

Dans la sacristie de la paroisse avec 
les pères de Meknès et le supérieur
Mis à part l’activité du centre je participe à l’ensemble de la vie communautaire des frères. La vie de prière tout d’abord, les réunions de chapitre ou encore les réunions avec les prêtres de la région. Nous prenons aussi les repas ensemble et c’est toujours un moment convivial où nous prenons le temps de partager sur notre journée, nos préoccupations et sur le monde qui nous entoure. C’est un vrai lieu de vie où passe également beaucoup de monde. Il y a la famille et les amis des uns et des autres mais aussi des frères religieux et même des amis marocains de la communauté. Le lien d’amitié des frères franciscains avec les marocains est très fort et j’ai la chance de les accompagner lorsqu’ils sont invités dans des familles. De moi-même je n’aurais peut-être pas pu voir la vie des marocains de « l’intérieur ». En tout cas ce que je retiens d’eux c’est leur accueil toujours très chaleureux.


Avec quelques élèves, lors d’une sortie
Cette expérience de césure au Maroc m’aide à découvrir un tout autre visage de l’Eglise. Ici c’est une présence discrète et priante en terre d’Islam. C’est la vie cachée de Jésus à Nazareth comme le vivait le Bienheureux Charles de Foucauld en Algérie. Un de ses disciples immédiat au Maroc fut le Père Albert Peyriguère qui vivait ce même idéal et qui, lors d’une veillé de prière en 1958, s’adressa aux chrétiens en ces termes : « Nous sommes quelques chrétiens dans cette terre du Maroc, noyés dans une multitude de musulmans. Que sont ces musulmans pour nous, ô mon Christ, que sont-ils pour vous aussi ? Ce qu’ils sont pour Vous, ils doivent l’être aussi pour nous ».
Jérémy